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Papier mâché, historique

Photo : Hannah Paton

Documents historiques sur le papier mâché et le carton pâte

Contrairement à une légende assez répandue, le papier mâché ne doit pas son nom à des femmes employées à mâchonner les restes de papier pour les réduire en pulpe, mais à un autre verbe « mâcher » qui signifie « couper sans faire une section nette, déchirer ».
En outre l’appellation « papier mâché » recouvre trois procédés assez différents, la confection d’une pâte à papier que l’on peut mouler ou extruder, le collage de bandes de papier déchirées sur un support ou dans un moule, des feuilles collées en épaisseur et pressées entre des moules positif et négatif. Ces techniques ont connu un grand succès aux XVIIIe et XIXe siècle.
Les documents suivants permettent de reconstituer une partie de ses usages et de son histoire.

Encyclopédie méthodique, arts et métiers mécaniques, T. 5, Jacques Lacombe, 1782-1791.

On appelle papier mâché la préparation qui se fait avec les rognures de papier blanc ou brun bouillies dans l’eau, & battues dans un mortier, jusqu’à ce qu’elles soient réduites en une espèce de pâte, & ensuite bouillies avec une solution de gomme arabique ou de colle, pour donner de la ténacité à cette pâte, dont on fait différents bijoux, en la pressant dans des moules huilés.

Quand elle est sèche, on l’enduit d’un mélange de colle & de noir de fumée, & ensuite on la vernit. Le vernis noir pour ces bijoux est préparé de la manière suivante :
On fond dans un vaisseau de terre vernissé un peu de colophane ou de térébenthine bouillie, jusqu’à ce qu’elle devienne noire & friable, & on y jette par degrés trois fois autant d’ambre réduit en poudre fine, en y ajoutant de temps en temps un peu d’esprit ou d’huile de térébenthine.
Quand l’ambre est fondu, on saupoudre ce mélange de la même quantité de sarcocolle, en continuant de remuer le tout, & d’y ajouter de l’esprit-de-vin, jusqu’à ce que la composition devienne fluide ; après cela on la passe à travers une chausse de crin clair, en pressant la chausse doucement entre des planches chaudes.
Ce vernis, mêlé avec le noir d’ivoire en poudre fine, s’applique dans un lieu chaud sur la pâte de papier séchée, que l’on met ensuite dans un four fort peu échauffé, le lendemain dans un four plus chaud, & le troisième jour dans un four très chaud ; on l’y laisse chaque fois jusqu’à ce que le four soit refroidi.
La pâte ainsi vernie est dure, brillante, durable, & supporte les liqueurs froides ou chaudes.
Ce vernis, très brillant & très solide, est celui qu’on a imaginé en Angleterre pour imiter ces vaisseaux également légers & forts, que les Japonais ont coutume de fabriquer, tels que des plats, jattes, bassins, cabarets, etc., dont les uns paraissent faits avec de la sciure de bois, & d’autres avec du papier broyé. Voici la méthode détaillée qu’on suit pour les contrefaire.
On fait bouillir dans l’eau la quantité qu’on veut de rognures & de morceaux de papier gris ou blanc ; on les remue avec un bâton tandis qu’ils bouillent, jusqu’à ce qu’ils soient presque réduits en pâte ; après les avoir retirés de l’eau, ou les broie dans un mortier, jusqu’à ce qu’ils ne forment plus qu’une bouillie semblable à celle des chiffons qui ont passé par les piles d’un moulin à papier.
L’on prend ensuite de la gomme arabique. L’on en fait une eau de gomme bien forte, dont on couvre la pâte de l’épaisseur d’un pouce ; on met le tout ensemble dans un pot de terre vernissé, & on le fait bien bouillir, en ne cessant de remuer, jusqu’à ce que la pâte soit suffisamment imprégnée de colle ; après quoi on la met dans le moule.

Ecorché du docteur Auzoux - Photo : Maurizio Moretti

Article « papier », Grand Larousse du XIXe siècle.

Le papier collé et le papier mâché sont employés par les anatomistes et les chirurgiens qui en font des membres artificiels ; par les opticiens, les cordonniers, les chapeliers, les fabricants de faïence et de porcelaine, de peignes, de jouets d’enfants, les carrossiers, les constructeurs de navire etc. On en fait des panneaux de porte, on a proposé́ d’en faire des voitures, des roues de locomotive, des tonneaux. Des meubles de luxe, coffrets, guéridons, écrans, etc., sont le produit de cette industrie récente du papier mâché́ ou collé, dont les procédés sont encore peu complets et se perfectionnent chaque jour. La matière première utilisée en Angleterre est un papier gris bleu, sans colle, cède ensuite au séchage, en pliant le rouleau dont la pâte est très fine.
Les feuilles de ce papier sont collées les unes sur les autres, à grands flots de dextrine et d’amidon, puis pressées à̀ la presse hydraulique dans une étuve sèche. Il se forme ainsi une planche solide et dure comme du bois de buis ou d’ébène, que l’on peut obtenir moulée sous diverses formes et se laisse travailler mieux que le bois dont le papier mâché n’a pas les pores, la sève, les fibres, les nœuds. On le tourne pour faire des boules, des grains de chapelet, des encriers, des écrins. C’est ainsi que l’on obtient des bijoux, bracelets, épingles, colliers fermoirs, où l’on peut incruster des pierres fausses qui y prennent un éclat particulier. Les plateaux, coffrets, guéridons, écrans dorés ou nacrés, connus sous le nom d’ouvrages du Japon, sont du papier mâché́ ; la nacre y est incrustée à̀ la presse hydraulique.

Ecorchés du docteur Auzoux - Photo : Maurizio Moretti

Les petits métiers du carton-pâte, Revue universelle, 1904.

Carton-pâte. — Ici nous trouvons la petite fabrication, parce que ce commerce n’exige ni capitaux ni matériel important. La main-d’œuvre est tout. Du papier d’emballage ramassé dans les sous-sols des magasins, et vendu 16 francs les 100 kilogrammes ; de la colle de farine et alun (1 franc les 40 kilogrammes), un moule en pierre pour y tasser la pâte avec la mailloche ; et cela suffit pour monter, par moitiés qu’on soude ensuite, des masques, des chevaux, des accessoires de cotillon, des bigophones, chevaux-jupons, poissons d’avril, charcuterie et pâtisserie de théâtre, passe-boules, quilles fantaisie.
Ces articles se fabriquent dans de modestes chambres du quartier du Temple et de Belleville ; la femme tasse et démoule, le mari soude et colorie, puis va vendre ou livrer.
Ne le dédaignez pas, car cet humble est un artiste ; en promenant son panier d’osier par les rues, il regarde, observe, invente, note, et, rentré chez lui, il réalise avec la glaise de moulage le type, la physionomie qui l’ont frappé, le tourlourou, la nourrice, l’Anglais, le « canasson » dont il reproduira les traits et l’expression sur ses œuvres de carton-pâte coloriées à la main ; têtes de carnaval, quilles en bottes ou marionnettes, et, pour les cotillons, sabres, hallebardes, casques, rondaches, sceptres, soleils, chapeaux de style, cartons de modistes directoire, papillons, miroirs, le tout orné de paillettes, faveurs, clinquant, aigrettes et étoiles d’or. Ces pauvres gens qui travaillent ainsi pour les féeries et les fantaisies saisonnières font à eux tous 600 000 francs d’affaires.