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2003 et 2005 - La guerra del tabaco - (...)

Marionnettes réalisées d’après des dessins d’Eduardo Arocha

Marionnettes réalisées d’après des dessins d’Eduardo Arocha


La Guerre du tabac, sixième festival del Habano, La Havane 2004, Cuba.

La compagnie des Grandes Personnes donc, existe maintenant depuis cinq ans, et elle a développé une technique de construction de marionnettes géantes originale, et probante.
À La Havane, nous n’avons pas notre espion comme on pourrait l’imaginer, mais un contact majeur, en l’occurrence Jacqueline Meppiel, cinéaste reconnue mariée à un acteur cubain depuis quelques années, avec qui nous sommes en relation constante.
Il se trouve qu’en cette année 2004, Habanos S.A., organisme d’État qui gère la diffusion (et donc surtout l’exportation !) des cigares cubains, veut organiser un grand « raout » sur la qualité des différents manufacturiers de cigares cubains – Cohiba, Partagas, Montecristo, H. Upmann, etc., pour ceux pour qui ça signifie quelque chose… Ils ont prévu d’inviter les VIP grands fumeurs de cigares du monde, jusqu’aux Américains (De Niro par exemple…) à un spectacle grandiose dans la Fortaleza San Carlos de La Cabaña, qui, se situe à côté de El Morro, et fait partie d’un système de forts qui défend l’entrée du port de La Havane, utilisé comme caserne et éventuellement geôle.

Sur une idée de Enrique Nuñez, un scénario écrit par lui-même se met en place, une histoire musicale ou d’un côté nous avons un trafiquant de tabac avec ses ânes, dénommé Malasangre, un corsaire notoire dans sa geôle, Botafogo avec son Brigadier attitré, enfermé donc dans la Fortaleza. Plus ludiques, interviennent ensuite le Tabaquero et évidemment la troublante Mulata… Donc cinq personnages bien typés, qui ont été dessinés par Eduardo Arrocha, qui a un certain renom international.
La mise en scène d’Enrique Nuñez commence par la libération de Botafogo et Malasangre, qui sortent du porche principal de la Fortaleza sous l’escorte principale du Brigadier… Le premier avec la mission d’enlever le Tabaquero dans la ville. Dans la foulée on croise Malasangre avec sa caravane d’ânes chargés de ballots de feuilles de tabac qu’il avait volé auparavant, et plus tard, après une échauffourée avec ces premiers protagonistes, apparaissent le Tabaquero et la Mulata… Bref, de l’action, une mise en scène assez folle, de dialogues théâtraux et la danse des cinq personnages, sur des chansons composées par Enrique Nuñez lui-même qui rapportent les exploits des temps anciens de la richesse de cette feuille de tabac…

L’idée première des acteurs de la mise en scène, son, lumière et donc image, était de mettre en place classiquement des écrans vidéos géants, l’action se situant sur une vaste étendue éloignée du public attablé pour fumer les cigares gracieusement offerts à la dégustation… À la suite de l’intervention de notre « agent » à La Havane, l’idée de représenter les cinq personnages en marionnettes géantes, qui joueraient le même jeu que les acteurs, à leur côté, au lieu de la vidéo, prend forme, et est acceptée par Enrique.
Donc, depuis Paris une équipe des Grandes Personnes se dessine, car il s’agit d’aller plus d’un mois construire les marionnettes… sur place, à Cuba ! Les candidatures sont nombreuses, et par ailleurs le coût des trajets aériens n’est pas compris dans le budget. Heureusement, grâce à l’entregent de Jacqueline, un budget se dégage auprès de l’attaché culturel de l’ambassade de France à La Havane, en l’occurrence Xavier d’Arthuis.
Donc il faut savoir qu’en termes de spectacle, et de culture, les Cubains sont très actifs et performants… Théâtre, danse, lyrisme, musique etc., ils ont pour cela des ateliers et autres lieux de conception, avec des équipes rodées à la tâche… Nous atterrissons donc dans les ateliers de l’Autopista qui, comme son nom l’indique, se situe à la sortie de La Havane… Nous sommes cinq ou six, plasticiens et constructeurs, et nous rencontrons donc dans cet immense endroit, un peu vétuste, les occupants habituels du lieu qui ont un savoir-faire sur la construction de décors, de personnages et de peinture… Sans exagérer, la confrontation fut formidable tant sur le plan du travail que de l’affection, ils sont devenus nos amis… À dix heures le matin, nous avions droit à la merienda, le petit casse-croûte, et à midi nous déjeunions avec eux.
Au bout de trois semaines, les têtes et mains d’une part, les corps et structures de manipulation sont terminés, et nous déménageons pour les ateliers de costume en plein centre de La Havane, dénommés les El Taller de 5ta y D. Là, c’est la confection des costumes avec de véritables artistes en la matière, et à l’étage il y a les chapeliers… Dans la foulée nous faisons, au fur et à mesure de l’avancement des costumes, les premiers essais de manipulation, et tout se passe formidablement bien dans une ambiance chaleureuse et festive.
Les répétitions de jeu se font sur site et sans les marionnettes sur le dos nous faisons la gestuelle avec les bras en l’air comme si nous tenions les cannes de manipulation, sous les yeux éberlués de quelques techniciens…, qui ne connaissent pas le but… Puis le soir du spectacle c’est magnifique, il faudrait avoir ce que j’ai encore en tête, la chanson qui accompagne le spectacle, un peu comme la balade de Mandrin…

Anecdote : comme les ateliers de l’Autopista se situent en contrebas du quartier de La Lisa, où habitent la plupart des intervenants et intervenantes qui ont travaillé avec nous, à l’initiative du chef d’atelier nous organisons avant de partir une grande parade sur le boulevard, pour les gens du quartier… et tous les enfants aux yeux émerveillés…
Nul doute que lorsque nous avons fait nos adieux chacun en avait gros sur le cœur…
Heureusement, grâce à cette expérience, l’année suivante, la compagnie est retournée à La Havane.


Stéphane Meppiel 2015